đŸŸ Comprendre les dĂ©placements des espĂšces pour favoriser la biodiversitĂ© đŸŸ

Publié par Journal en direct, le 4 juillet 2025

Depuis le Grenelle de l’environnement de 2007 et les lois qui l’ont suivi, obligation est faite aux collectivitĂ©s de cartographier les zones naturelles bĂ©nĂ©fiques pour la biodiversitĂ©, afin de mieux les protĂ©ger.

Ces dispositions ont renforcĂ© l’intĂ©rĂȘt des dĂ©cideurs pour les outils de modĂ©lisation spatiale tels que le logiciel Graphab1, dĂ©veloppĂ© au laboratoire ThĂ©MA depuis plusieurs annĂ©es. Ce logiciel permet, entre autres, de reprĂ©senter les chemins que les animaux sont supposĂ©s emprunter, sur la base des connaissances acquises sur les espĂšces. Du cerf Ă  la grenouille, il fournit ainsi des clĂ©s pour prĂ©server des corridors Ă©cologiques qui leur sont favorables.

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Pour améliorer la compréhension de ces mouvements et de leurs conséquences sur la biodiversité, Paul Savary mÚne des recherches sur la dispersion des espÚces2 et la façon dont la connectivité écologique des habitats la facilite.

Enseignant-chercheur en Ă©cologie et modĂ©lisation spatiale Ă  l’UMLP / laboratoire ThĂ©MA, Paul Savary cherche à dĂ©chiffrer la façon dont se dĂ©placent les espĂšces, d’une part en Ă©laborant des modĂšles d’aprĂšs la structure des paysages qu’elles parcourent, d’autre part en l’estimant Ă  partir de donnĂ©es de terrain : informations biologiques et notamment gĂ©nĂ©tiques, ou issues de relevĂ©s de prĂ©sence des espĂšces. La confrontation des deux types de modĂšles montre comment et Ă  quel point la structure d’un paysage influence la diversitĂ© biologique.

« Les réseaux de dispersion des espÚces et la géométrie des habitats déterminent la façon dont la diversité circule et se distribue spatialement dans un paysage », explique le chercheur.
Les rĂ©sultats acquis ces derniĂšres annĂ©es tendent Ă  confirmer que la prĂ©sence d’importantes surfaces d’habitat et la connectivitĂ© Ă©cologique de ces habitats sont indispensables à toutes les espĂšces. C’est plus encore le cas pour certaines familles comme les amphibiens, pour lesquels circuler entre plusieurs habitats complĂ©mentaires, ayant chacun une fonctionnalitĂ© propre, est une condition essentielle de survie.

Photo Jessica Moss – Unsplash

La connectivitĂ© peut aussi favoriser l’accĂšs des espĂšces Ă  des ressources supplĂ©mentaires. Ce sont par exemple les bandes laissĂ©es en herbe le long des cultures, qui favorisent la reproduction des carabes puis la dissĂ©mination de ces insectes dans les champs voisins, oĂč ils se nourrissent des organismes ravageurs de cultures.
« Cette dynamique Ă©cologique ne peut fonctionner que si les dĂ©placements sont possibles entre diffĂ©rents types d’habitats », souligne Paul Savary.

De mĂȘme, en ville, comprendre la dispersion des individus entre habitats pĂ©ri-urbains et espaces verts urbains permet d’identifier les types d’urbanisation impactant le moins la biodiversitĂ©. Le chercheur a rĂ©cemment mis Ă  profit les modĂ©lisations rĂ©alisĂ©es avec Graphab pour étudier la biodiversitĂ© des aires urbaines. La ville compacte, inscrite dans un pĂ©rimĂštre limitĂ©, ou au contraire la ville Ă©talĂ©e, moins dense mais occupant plus de surface, sont toutes deux susceptibles de prĂ©senter des avantages et des inconvĂ©nients pour la biodiversitĂ©.

Photo Alexa - Pixabay

Cependant, l’analyse cartographique de 325 villes europĂ©ennes montre que la fragmentation des habitats autour d’une ville Ă©talĂ©e limite la biodiversitĂ© pĂ©ri-urbaine, alors qu’une ville compacte prĂ©serve ces espaces. « Les flux des espĂšces depuis l’extĂ©rieur vers le centre des villes compactes apportent en dĂ©finitive une plus grande diversitĂ© au cƓur de ces villes, alors mĂȘme qu’elles disposent de moins d’espaces verts », conclut Paul Savary.

1 À l’origine du logiciel, Jean-Christophe FoltĂȘte, Gilles Vuidel et CĂ©line Clauzel.
2 La dispersion des espĂšces correspond au fait que certains individus naissent Ă  un endroit, puis en investissent un autre, s’y reproduisent, colonisant ainsi de nouveaux espaces. Le fonctionnement d’une meute de loups en est un exemple. La dispersion n’est donc pas Ă  confondre avec la migration, qui est pĂ©riodique, ou avec les dĂ©placements qu’effectue de maniĂšre habituelle un animal, par exemple pour se nourrir.

Articleï»ż paru dans le Journal en directï»ż n°319.

Photo début d'article : Freepik.