Pour que l’écologie ne soit pas aussi victime de l’animalisme

Publié par Bourgogne-Franche-Comté Nature, le 11 juin 2025   21

À l’heure où la parole scientifique et les enjeux écologiques sont souvent relégués au second plan, un écologue alerte sur la nécessité de clarifier les postures de chacun.

Pourquoi attirer l’attention sur la distinction animalisme/écologie ?

Il arrive de plus en plus fréquemment qu’une confusion soit faite entre les deux, et que des positions animalistes soient dites « écologiques ». Cela devient préjudiciable, car ce sont des notions très différentes. Entre posture morale et science, on ne se situe pas du tout sur le même plan. Or avancer masqué en utilisant improprement certains termes ou concepts est délétère pour le débat public. Cela brouille les positions de chacun, fait oublier le caractère scientifique de l’approche écologique et détourne au final de problématiques véritablement écologiques.

Qu’est-ce qu’un animaliste ?

C’est quelqu’un dont les opinions s’inscrivent dans un courant de pensées, l’animalisme, qui estime qu’il faut protéger tous les animaux, y compris les non humains, d’actes leur causant des souffrances. Un animaliste va par exemple promouvoir le fait de ne pas manger de viande. Il peut aussi être antispéciste, en considérant que toutes les espèces sont égales, faisant ainsi du Chevreuil l’égal de l’Homme. C’est une opinion personnelle respectable, comme de nombreuses autres positions morales. Cela n’a cependant rien à voir avec l’écologie.

Alors qu’est-ce que l’écologie dans tout ça ?

C’est la science qui étudie les interactions entre les êtres vivants et le milieu dans lequel ils vivent. Le chercheur en écologie est appelé « écologue ». Pour mieux connaître la biodiversité et la crise qu’elle subit, l’écologue conduit des expérimentations de laboratoire et de terrain en suivant des protocoles scientifiques rigoureux. Il avance des informations fondées sur la preuve, dénuées de tout jugement moral. C’est encore différent de l’écologiste, personne qui milite pour la défense de l’environnement, ce qui se rattache à l’écologie politique ou écologisme. Quant au naturaliste, c’est un passionné qui observe les espèces dans la nature, et collectionne des connaissances empiriques issues du terrain ou livresques, sans nécessairement entrer dans une démarche scientifique. Son profil peut être très varié : il s’émerveille de la beauté du vivant et peut vouloir le protéger pour cette seule beauté, ou pour des considérations proches de celles de l’animaliste, ou pour d’autres proches de celles de l’écologue.

portrait GIRAUDOUX
Patrick GIRAUDOUX, Professeur émérite d’écologie à l’Université de Marie et Louis Pasteur, Unité de recherche Chrono-Environnement

La querelle sur le Chamois dans le Doubs offre une illustration de la problématique. L’espèce, inconnue dans le département depuis le néolithique, a fait son retour dans les années 1970 avec une harde de 70 individus venus de Suisse qui a prospéré sur le Mont d’Or, puis a éclaté lors de l’arrivée du Lynx. De petites hardes se sont formées sur tout le département en augmentant les effectifs à plusieurs milliers, sans qu’on ne connaisse le nombre exact. Comme chaque année mais à un niveau bien moindre, le plan de chasse 2024-2025, poussé par les forestiers, a autorisé l’abattage de 478 individus, ce qui a fait monter au créneau des associations. Des arguments fantaisistes ont été avancés, comme le fait que le plan réduirait de moitié la population doubienne, faussement estimée à 1 140 individus. Or ce chiffre correspond à un comptage réalisé sur des placettes d’observation, non à un effectif total. La sauvegarde de l’espèce a également été invoquée, mais comme tous les ongulés ici, le Chamois n’a jamais été aussi présent dans le département et n’est absolument pas menacé. On a simplement affaire à des animalistes anti-chasse. C’est défendable, mais il faut être transparent, il ne s’agit pas d’écologie.