Comment le vivant se renouvelle après une extinction de masse ?

Publié par Bourgogne-Franche-Comté Nature, le 8 octobre 2021   540

Alors que nous vivons aujourd’hui la 6e extinction de masse de l’histoire planétaire, provoquée par l’Homme, les paléontologues réalisent des découvertes sur la rediversification des espèces après l’extinction de la fin du Permien.

Qu’est-ce qui caractérise l’extinction de masse de la fin du Permien ?

5 extinctions de masse ont été identifiées dans le registre fossile. Chacune marque le passage à une nouvelle période géologique. La plus sévère d’entre elles s’est produite à la limite entre le Permien et le Trias, il y a environ 251 millions d’années. Partout dans le monde, un nombre gigantesque d’espèces a alors disparu. On estime que plus de 90 % des espèces marines se sont éteintes et environ 70 % des vertébrés terrestres. Cette extinction serait principalement due à des éruptions volcaniques de vaste ampleur survenues en Sibérie, qui ont généré des gaz à effet de serre et une augmentation de la température. Sur quelques dizaines de milliers d’années seulement (ce qui est très rapide pour l’histoire de la Terre), l’atmosphère s’est réchauffée de 7 à 8 °C. C’est d’ailleurs la trajectoire vers laquelle nous nous dirigeons actuellement, mais en beaucoup moins de temps… La 6e extinction entraînera aussi potentiellement un complet renouvellement des acteurs écologiques.

Quelles sont les découvertes récentes sur le début du Trias ?

En 2015, aux États-Unis, nous avons fortuitement découvert un gisement fossilifère exceptionnel qui nous a poussés à revoir beaucoup de nos modèles. Nous y avons notamment trouvé un « taxon Lazare », c’est-à-dire une espèce que nous croyions disparue plus tôt. Il s’agit d’une éponge typique du début du Cambrien, censée s’être éteinte 200 millions d’années avant la fin du Permien. Nous avons aussi mis au jour une espèce, ressemblant grossièrement au calmar, dont l’apparition était estimée 50 millions d’années plus tard. Ces animaux se trouvaient-ils dans quelques zones refuges ? Ont-ils été mieux préservés par ce type de sédiment ? Ces données soulèvent beaucoup de questions encore sans réponses.

Comment se déroulent vos recherches ?

Elles portent sur les écosystèmes marins, car on y trouve davantage de restes fossiles. Nous procédons à des fouilles soit en retournant à des endroits déjà répertoriés, soit en explorant de nouvelles zones, dont l’âge correspond à notre période d’étude. Selon la façon dont le contexte géologique régional a évolué, ces dépôts fossilifères peuvent se situer en plein désert comme sur des chaines de montagne. Ils prennent souvent la forme d’affleurements de roches calcaires que nous cassons pour y prélever des ammonites, gastéropodes, bivalves… Afin d’obtenir un échantillonnage complet, tous les organismes, y compris microscopiques, sont recherchés. De nombreuses années de laboratoire succèdent à quelques semaines de terrain. Pour être analysés, les fossiles sont extraits de leur matrice sédimentaire ou observés grâce aux appareils d’imagerie actuels qui permettent d’éviter de les endommager.


Le mot de l'expert

  • Arnaud BRAYARD, Paléontologue, Directeur de recherches CNRS au laboratoire Biogéosciences, Université de Bourgogne Franche-Comté

Quelles découvertes retenir sur cette période ?

Jusqu’aux années 2000, on pensait que la rediversification des espèces suite à une telle extinction était lente. En fait, elle s’est faite extrêmement vite pour certains organismes, en 1,5 million d’années. On a aussi proposé que les organismes voyaient leur taille se réduire, or certaines espèces ont au contraire grandi. Les organismes généralistes sont supposés mieux survivre à ces extinctions, mais on s’aperçoit que la réalité est plus complexe. Selon les groupes et les régions, on constate une forte hétérogénéité. Quels facteurs ont permis la préservation de certains groupes ? Comment étaient organisées les chaînes alimentaires ? Comprendre ces écosystèmes nous en apprendra plus sur nos écosystèmes actuels, dont l’origine remonte à cette époque.


Pour en savoir plus

Rendez-vous sur la page YouTube de Bourgogne-Franche-Comté Nature pour visionner la conférence d’Arnaud BRAYARD donnée lors des 16e rencontres de l’association. Elle vous permettra de mieux comprendre comment les données paléontologiques documentent la sélectivité des extinctions.



Retrouvez plus d'articles sur bourgogne-franche-comte-nature.fr dans l'onglet  "Nos Publications" > "Questions de Nature".

Crédit illustration ©Gilles Macagno