Exposition

Yannick Cormier, Tierra Magica

Dans la brume au petit matin, il semble que des arbres prennent forme humaine, que des buissons surgissent sur deux jambes et fendent l’air dans une marche déterminée, que les tissus humains deviennent écorce, ou bien l’inverse. Ailleurs, des êtres cornus, recouverts de peaux animales, de plumes, parfois de sang, masqués de figures grimaçantes, forment une cohorte à laquelle on se mêle avec crainte, avec fascination, ou encore avec enthousiasme. Parfois ces créatures surgies d’un passé lointain tyrannisent les passants, simulent l’enlèvement de jeunes femmes, ou feignent de s’affronter entre elles. Parfois elles se laissent pourchasser, sont malmenées par la foule puis jugées par un tribunal dont le verdict tombe sans surprise : à la tombée du jour, elles disparaîtront dans un feu de joie.
Le photographe Yannick Cormier s’immerge dans les rites carnavalesques du nord-ouest de l’Espagne et du Portugal d’une manière qui lui est tout à fait propre : pas de protocole établi, d’idée préconçue, de prétention esthétisante ou de volonté d’inventaire.
Les images dont il est question ici sont faites pour aller au-delà, à la frontière du visible et de l’invisible, des peurs et des espérances, des croyances païennes et religieuses. Des photographies indociles, mouvementées et transgressives, empreintes de la pulsation de la foule, révélatrices des forces vitales à l’origine du carnaval. Avec elles, Yannick Cormier entraine le spectateur dans le tumulte et l’étrangeté de ces fêtes, qui ont toutes pour point commun de jalonner le temps, de transgresser l’ordre établi, et de rappeler à la société son lien intangible avec la nature.
Visuel :
Yannick Cormier Careto avec canne anthropomorphe, carnaval de Lazarim, Portugal, 2019 © Yannick Cormier