La blennie fluviatile colonise la Saône

Publié par Bourgogne-Franche-Comté Nature, le 11 octobre 2022   450

Sans être ni exotique, ni particulièrement abondante, la discrète apparition de la blennie d’eau douce en Saône bourguignonne n’en est pas moins remarquable.

Pourquoi la présence de la Blennie fluviatile en Bourgogne-France-Comté est-elle étonnante ?

Nous sommes quasiment sûrs que jusqu’en 2015, elle était absente. Il s’agit d’un poisson initialement implanté dans le lac du Bourget, ses affluents, et dans les eaux douces du pourtour méditerranéen. Il a récemment remonté la Saône, mais sa limite de dispersion se cantonnait à l’aval de Villefranche-sur-Saône. Il semble être arrivé en Saône-et-Loire en 2018. Il a été repéré pour la première fois par des pêcheurs, avant d’être de nouveau capturé lors des pêches électriques réalisées par le bureau d’étude AQUABIO pour le compte de l’OFB pour le suivi des poissons à Saint-Symphorien-d’Ancelles, Fleurville, Ouroux-sur-Saône et Gergy. Des traces d’ADN de l’espèce ont également été trouvées sur le secteur d’Auxonne. Des paramètres concernant la qualité de l’eau, la température, ou les habitats ont-ils évolué au bénéfice de l’espèce ? A-t-elle été accidentellement introduite lors d’un déversement de repeuplement qui aurait contenu des blennies ? Nous ignorons à ce jour les raisons de cette colonisation.

En quoi cette colonisation est-elle atypique ?

Déjà, sa rapidité est impressionnante. En l’espace de 2 ou 3 ans, la Blennie fluviatile a étendu sa présence sur 150 km là où des espèces exotiques au fort pouvoir de dispersion comme le Gobie demi-lune n’excède pas la 30aine de km par an.  L’hypothèse d’un déversement à mi-parcours pourrait expliquer ce record, sans certitude. Par ailleurs, nous ne sommes justement pas face à une espèce exotique envahissante, ce qui constitue une exception par rapport à toutes les autres nouvelles venues sur la région. La Blennie fluviatile atteint sa maturité sexuelle à 1 an et effectue de multiples pontes de plusieurs centaines d’œufs entre mai et août, avec une petite 15aine de jours d’intervalle. Ce mode de reproduction facilite certainement sa colonisation.

Faut-il s’attendre à une remontée jusqu’en Haute-Saône ?

Cette éventualité est probable. Les pêcheurs sont donc invités à être attentifs et à apprendre les critères distinctifs de l’espèce, qui peut à première vue évoquer un Chabot. Toute découverte pourra utilement être communiquée à la fédération de pêche. L’OFB n’a pas les moyens de déployer un dispositif de suivi spécifique, mais ses habituelles campagnes d’échantillonnages piscicoles participeront à tracer sa progression. Si l’arrivée de cette espèce protégée est plutôt une bonne nouvelle, nous avons peu de visibilité sur ses implications.


Le mot de l'expert

Julien BOUCHARD, Chef du service connaissance à l’Office Français de la Biodiversité (OFB) Bourgogne-Franche-Comté

Comment reconnaître la Blennie fluviatile ?

Son corps de 10 à 20 cm a un aspect très élancé et souple. Sa tête haute la différencie également du Chabot. Ses nageoires dorsale et anale sont très longues. Ses nageoires caudale et pectorales sont arrondies. Au-dessus de ses yeux, elle porte des sortes de petits plumets. Son dos est brun-verdâtre à rougeâtre et son ventre blanchâtre. Ses flancs portent de petits points sombres ainsi que des bandes. Les mâles ont une protubérance sur la tête. De récentes recherches moléculaires et morphologiques ont dernièrement mis en évidence une différence de genre entre les blennies marines et les blennies d’eau douce. Cela a induit un changement de nom scientifique pour la Blennie fluviatile, qui se voit rebaptisée Ichthyocoris fluviatilis.


Pour en savoir plus

Faites plus ample connaissance avec la Blennie fluviatile et sa colonisation de la Saône dans le n° 33 de la revue BFC NATURE.


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Crédit illustration © Daniel ALEXANDRE