Chronique de canards en Bresse

Publié par Bourgogne-Franche-Comté Nature, le 29 avril 2025

La somme de plus de 20 ans de carnets de terrain d’un passionné d’oiseaux offre un aperçu de l’évolution des anatidés bressans.

Sur quels étangs a porté votre suivi de canards nicheurs ?

Entre 1997 à 2020, j’ai effectué le suivi d’étangs du nord de la Bresse, entre Pontoux et Mouthier-en-Bresse. Mon terrain de prospection comprenait 16 étangs piscicoles faisant partie du site Natura 2000* nommé « Basse vallée du Doubs et étangs associés », au sein duquel se trouve la ZNIEFF* « Étangs de Charette et de Pierre-de-Bresse », ainsi que 7 étangs périphériques. Je m’y rendais environ 2 demi-journées par semaine, avec une moyenne de près de 8 passages par saison de nidification, du 15 mai au 31 juillet. Notant toutes mes observations, j’ai rempli une dizaine de carnets. J’ai rétrospectivement souhaité valoriser ces données en établissant un bilan de l’évolution des espèces nicheuses.

Quelles espèces avez-vous recensées ?

En mettant de côté le Canard colvert, qui fait l’objet d’introductions quasi annuelles à des fins cynégétiques, et le Cygne tuberculé, dont on compte un couple environ par étang, 6 espèces sont nicheuses. Le Fuligule milouin, dont le mâle est gris clair et noir avec une tête rouge brun, était déjà connu en tant que nicheur sur l’est de la Bresse. Le Canard chipeau, dont l’élégant plumage gris-brun donne l’impression qu’il est en costume, a niché pour la première fois en 1998 sur l’étang de Bailly et niche annuellement depuis 2003. La Nette rousse, à la tête brun orangé et au bec rouge pour le mâle, a fait une première nichée en 2004. Ses nichées sont devenues annuelles depuis 2006 avec une augmentation progressive des effectifs. Le Fuligule morillon, dont le mâle est noir et blanc, ne niche pas de manière systématique. Je n’ai relevé que 7 preuves de nidification. Quant au Canard souchet, qui oriente son bec en spatule de gauche à droite pour filtrer l’eau, et à la Sarcelle d’été et son sourcil blanc, ce ne sont que des nicheurs exceptionnels en Saône-et-Loire.

Quelle tendance retenir ?

Sur la période de mon suivi, les zones humides françaises et européennes ont continué à se dégrader. Malgré cela, sur les étangs que j’ai localement étudiés, la population de canards nicheurs a triplé et s’est diversifiée. J’ai constaté que les étangs de la ZNIEFF étaient ceux accueillant la diversité la plus élevée. La législation protectrice de l’avifaune a probablement joué un rôle favorable, ainsi que l’empoissonnement régulier. Ces données sont à prendre avec précaution au vu du caractère rétrospectif de mon travail et de l’absence de protocole scientifique.

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Jean-Marc FROLET, Ornithologue bénévole à la LPO Bourgogne-Franche-Comté

Ces étangs sont vidangés à l’automne et alevinés en début d’année. En dehors de ces opérations habituelles, certains sont parfois mis en assec de longue durée. Or il est arrivé que plusieurs le soient en même temps, sans concertation. Ceci est préjudiciable pour la biodiversité, notamment les canards. Si le Fuligule milouin s’est alors partiellement reporté sur d’autres étangs, ce n’est pas le cas du Canard chipeau ni de la Nette rousse, dont l’échec de nidification sur un site n’a pas été compensé. Le Réseau des gestionnaires des milieux aquatiques animé par l’Établissement public territorial de bassin Saône et Doubs a organisé une réunion à ce sujet en 2024. Désormais, les pisciculteurs se coordonnent par son intermédiaire pour éviter de telles situations. Parmi les potentielles menaces, les sécheresses liées au réchauffement climatique sont à craindre, tout comme l’influence éventuelle d’espèces introduites à surveiller, l’Oie cendrée et l’Ouette d’Égypte.