Le renouveau du Jardin botanique de Besançonđ±
Publié par Journal en direct, le 7 octobre 2025
Planter, cultiver, prĂ©server et conserver, dĂ©crire des espĂšces nouvelles, rĂ©intĂ©grer dans leur milieu naturel celles qui en avaient disparuâŠ, les actions du Jardin botanique sont multiples et complĂ©mentaires.
Trois cents ans aprĂšs son rattachement Ă lâuniversitĂ©, le Jardin sâinstalle au cĆur du campus de la Bouloie. Lâoccasion dâĂ©crire une nouvelle page de son histoire.
Il fait partie intĂ©grante de BIOME, le nouvel espace de culture scientifique inaugurĂ© le 30 aoĂ»t dernier sur le campus de la Bouloie : le Jardin botanique de Besançon expose ses plantations dâextĂ©rieur aux promeneurs, et derriĂšre les vitres de ses serres flambant neuves, des centaines dâespĂšces vĂ©gĂ©tales captent lâattention des visiteurs.
ComposĂ©es de plantes en provenance du monde entier ou dâorigine locale, ses collections se sont encore enrichies Ă lâoccasion de son changement dâadresse.
Un renouvellement en grande partie assurĂ© par des acquisitions et des Ă©changes, en vue dâassurer la mission prioritaire de tout jardin botanique : lâĂ©tude et la conservation des plantes. « Certaines espĂšces sont rares, voire ont disparu de leur environnement naturel, il est donc capital de les conserver Ă diffĂ©rents endroits pour garantir leur prĂ©servation », souligne Arnaud Mouly, directeur scientifique du Jardin botanique de Besançon.
Il subsiste par exemple ici, et dans quelques autres jardins, des spĂ©cimens de lâespĂšce Deppea splendens dont on ne trouve plus trace depuis plusieurs dizaines dâannĂ©es sur leurs terres originelles dâAmĂ©rique du Sud.
Plans dâurgence
Dans les recherches quâil mĂšne au laboratoire Chrono-environnement, câest en Nouvelle-CalĂ©donie et PolynĂ©sie française quââArnaud Mouly recense la biodiversitĂ© vĂ©gĂ©tale et Ă©tablit des plans de sauvetage dâurgence. « La menace dâextinction dans les milieux insulaires est plus forte que partout ailleurs. Certaines populations comptent Ă peine cent individus, parfois beaucoup moinsâŻ! Il sâagit dâaccompagner les autoritĂ©s dans leurs programmes de sauvegarde, de dĂ©terminer les espĂšces Ă enjeu de conservation, de dĂ©crire des plantes rares qui sont parfois connues depuis peu et ne possĂšdent mĂȘme pas encore de nom scientifique. »
Car les interventions des botanistes en faveur de la prĂ©servation des espĂšces dĂ©passent bien sĂ»r le cadre de la culture sous serre pour investir le terrain. Ă lâĂ©chelle rĂ©gionale, grĂące Ă un projet menĂ© depuis dix ans sur le sol comtois, des plants locaux de saxifrage Ćil-de-bouc (Saxifraga hirculus) ont ainsi Ă©tĂ© rĂ©introduits dans une dizaine de tourbiĂšres pour que la petite fleur jaune se rĂ©approprie son environnement naturel, sous la surveillance des chercheurs.

La saxifrage de Gizia est quant Ă elle une rescapĂ©e des derniĂšres glaciations et nâexiste nulle part ailleurs dans le monde quâen Franche-ComtĂ©. On ne connaĂźt de cette espĂšce endĂ©mique de la rĂ©gion que deux populations, lâune dans le Jura, lâautre dans le Doubs, piĂ©gĂ©es dans des falaises de basse altitude, et qui se sont adaptĂ©es au fil des millĂ©naires. Leur survie dans ces conditions les fait apparaĂźtre comme un cas dâisolement gĂ©nĂ©tique qui force lâintĂ©rĂȘt des chercheurs et incite Ă les prĂ©serverâŻ: un plan de conservation de la saxifrage de Gizia est en cours, pour lequel le Jardin botanique de Besançon est partenaire.
«âCâest grĂące aux nouveaux Ă©quipements dont le Jardin est aujourdâhui dotĂ©, et qui accompagnent son redĂ©ploiement sur le site de la Bouloie dans des locaux adaptĂ©s, que nous pourrons favoriser toujours plus dâapplications de terrain Ă partir de notre expertise de recherche », indique Arnaud Mouly.
Le directeur souligne Ă©galement le rĂŽle primordial des passionnĂ©s qui arpentent les territoires en quĂȘte de trouvailles vĂ©gĂ©tales : « Les donnĂ©es naturalistes sont pour lâessentiel recueillies grĂące Ă des rĂ©seaux de professionnels et dâamateurs Ă©clairĂ©s. Puis les scientifiques Ă©tudient et valident les intuitions de ces acteurs de terrain. Ce sont des échanges trĂšs fructueux entre recherche et sociĂ©tĂ©. »
Missions dâactualitĂ©

PilotĂ© par lâuniversitĂ© Marie et Louis Pasteur, le Jardin botanique de Besançon est intĂ©grĂ© au service Sciences, arts et culture dirigĂ© par JĂ©rĂ©my Querenet. Le Jardin reçoit le soutien financier de la ville de Besançon, qui notamment emploie trois de ses cinq jardiniers, ainsi quâun apprenti. La coordination technique et scientifique est assurĂ©e par deux spĂ©cialistes en botanique de lâuniversitĂ©, dont le directeur Arnaud Mouly.
Ce fonctionnement sâintĂšgre Ă une longue tradition acadĂ©mique, puisque lâaffiliation du Jardin botanique Ă lâuniversitĂ© date de 1726 ( voir lâarticle Pompiers connectĂ©s pour plus de sĂ©curitĂ©, paru dans le journal en direct n°295, juillet-aoĂ»t 2021 ).
Trois cents ans sĂ©parent ainsi sa mission premiĂšre de formation des Ă©tudiants en mĂ©decine Ă celles qui animent son Ă©quipe aujourdâhui.

Outre les sciences ayant trait Ă lâenvironnement, le Jardin botanique vient en appui Ă lâenseignement et Ă la recherche de plusieurs disciplinesâŻ: la pharmacognosie, dont les spĂ©cialistes travaillent Ă lâextraction de molĂ©cules de plantes pour en Ă©tudier lâintĂ©rĂȘt thĂ©rapeutiqueâŻ; la mĂ©caÂnique et la physique, Ă qui les structures des vĂ©gĂ©taux Ă lâĂ©chelle du micro- ou du nanomĂštre, par mimĂ©tisme, fournissent matiĂšre Ă innovationâŻ; lâarchĂ©obotanique, la gĂ©nĂ©tique et lâhistoire, grĂące aux graines ou vĂ©gĂ©taux anciens, aux composĂ©s et Ă lâADN trĂšs instructifs pour lâĂ©tude du passĂ©âŻ; la philosophie mĂȘme, qui Ă©tablit des analogies entre structurations politique et vĂ©gĂ©tale.
En parallÚle, le Jardin bisontin ne se départ pas de son rÎle fondamental de conservation botanique et de préservation des espÚces menacées, que le lien entre expertise universitaire et application de terrain rend particuliÚrement vivant.
Articleï»żï»ż paru dans le Journal en directï»ż n°320.