Le Morvan déserté par les oiseaux des prairies humides

Publié par Bourgogne-Franche-Comté Nature, le 30 janvier 2024   250

Un Pipit en déclin, une Bécassine et un Vanneau en sursis, un Tarier ayant renoncé à tout nid : le Morvan subit une disparition rapide et alarmante de ses oiseaux des prairies humides.

Sur quelle initiative les oiseaux des prairies humides morvandiaux ont-ils été étudiés ?

Les prairies humides représentent des milieux indispensables pour certaines espèces d’oiseaux patrimoniales, menacées à l’échelle nationale ou locale. En 1993, le Parc naturel régional du Morvan a évalué l’état des populations de quatre espèces cibles sur un ensemble de prairies de son périmètre : la Bécassine des marais, le Pipit farlouse, le Tarier des prés et le Vanneau huppé. En 2019, la SHNA-OFAB* a étudié l’évolution de la présence des mêmes espèces sur une trentaine de points d’écoute similaires au premier inventaire. Pendant trois ans, ce travail de connaissance a été complété sur plus d’une centaine de points d’écoute au sein d’autres prairies favorables de la partie morvandelle du bassin Seine-Normandie, avec le soutien de l’Agence de l’eau et avec un appui cartographique du Conservatoire botanique national du bassin parisien L’objectif était d’identifier les prairies humides à forts enjeux pour mieux les préserver. Une responsabilité de conservation de ces habitats qui est intégrée dans la récente charte du Parc.

Comment se portent ces espèces des prairies humides sur le Morvan ?

Très mal, puisqu’en 25 ans, seul le Pipit farlouse est présent sur notre échantillonnage des trente points d’écoute, mais avec une forte diminution de fréquence. En 1993, l’espèce occupait 80 % des sites et en 2019, seulement 40 %. Sur ces 40 % de sites, les effectifs ont baissé de 48 %. Les trois autres espèces n’ont pas été recontactées. À l’échelle du Morvan, le Vanneau huppé est désormais nicheur rare et localisé. Pour la discrète Bécassine des marais, en danger critique d’extinction en Bourgogne, la nidification sur les sites historiques du Morvan n’a pas été confirmée ces dernières années. Le Tarier des prés est observé ponctuellement sur le massif lors de sa migration, mais il n’existe plus de preuve de nidification.

Quelles raisons expliquent ce déclin spectaculaire ?

Ces espèces sont de véritables indicateurs de l’état des milieux auxquels ils sont rattachés, qui se dégradent de plusieurs façons. La déprise agricole laisse place à une dynamique naturelle de fermeture des prairies en milieux boisés. A contrario, les pratiques agricoles encore à l’œuvre se sont transformées au détriment des espèces. L’intensification du pâturage détériore les prairies et augmente l’écrasement des nids au sol. Les fauches de plus en plus précoces tuent les nichées ou les jeunes non volants. Le creusement de drains diminue le taux d’engorgement en eau du sol, modifiant l’accès à la nourriture et la structuration de la végétation herbacée recherchés par ces espèces, un effet qui se cumule avec le changement climatique. C’est ainsi que le Pipit farlouse ne trouve plus des conditions propices que sur les prairies en bord de cours d’eau.


Vincent VILCOT, Chargé de mission à la SHNA-OFAB

Les prairies humides morvandelles à forts enjeux sont à présent identifiées. Leur conservation, ou leur restauration, est une priorité pour enrayer le déclin des oiseaux. Le PNR du Morvan applique une gestion adaptée à ces enjeux au sein de la Réserve naturelle régionale des tourbières. Il porte également des politiques environnementales à même de soutenir les agriculteurs pour une évolution vers des pratiques adaptées : Mesures Agro-Environnementales et Climatiques de la Politique Agricole Commune, accompagnement Pâtur’Ajuste pour des pratiques agroécologiques* sur les milieux ouverts herbacés… Outre la nécessité de moyens, le succès de ces actions repose aussi sur le volontariat des agriculteurs. L’enjeu dépasse ces seules espèces d’oiseaux : toute une faune et une flore sont inféodées aux prairies humides, terrain d’une biodiversité dont on connaît désormais l’extrême importance.

Pour en savoir plus

Pour faire connaissance avec la Bécassine des marais, le Pipit farlouse, le Tarier des prés et le Vanneau huppé, et découvrir quelles observations ont été faites sur la région, rendez-vous sur le site Internet de la SHNA-OFAB, https://www.shna-ofab.fr, rubrique Ressources > Fiches espèces.

Mini-glossaire

Agroécologie : pratique agricole s’inspirant des écosystèmes pour bénéficier de leurs fonctionnalités.

SHNA-OFAB : Société d’histoire naturelle d’Autun-Observatoire de la faune de Bourgogne.