Le Courlis cendré en mal de poussins en Val de Saône

Publié par Bourgogne-Franche-Comté Nature, le 30 juin 2025

Un long bec arqué, un manteau strié de bruns, un ventre blanc… Le Courlis cendré est un discret petit échassier dont les populations déclinent dangereusement.

Quelle est la situation du Courlis cendré ?

La France n’accueille plus que 1 000 couples environ. Depuis une trentaine d’années, les effectifs chutent dans la plupart des pays européens. Cette diminution est lente, car l’espèce est longévive, mais le nombre insuffisant de jeunes ne permet pas d’assurer la relève. Les prairies alluviales du Val de Saône, de Vesoul jusqu’à Mâcon en passant par la Côte-d’Or, avec les affluents de la Saône comme la Grosne et la Seille, accueillent entre 40 et 50 % de la population nicheuse française. La qualité de l’habitat et de la gestion pratiquée sont donc la clé. 0,6 jeune par an et par couple est nécessaire pour stabiliser la population, alors qu’on est en dessous de 0,1 dans le Val de Saône. Depuis 2021, l’OFB*, en partenariat avec l’Université de La Rochelle et des acteurs locaux comme l’EPTB* Saône et Doubs, cherche à identifier les facteurs du déclin.

Que révèlent ces investigations ?

La ressource alimentaire paraît suffisante. Néanmoins, des fauches trop précoces à grande échelle peuvent la limiter. Les dérangements humains restent modérés, mais une vigilance s’impose dans les zones fréquentées, avec par exemple la problématique des chiens en liberté. La prédation naturelle s’exerce de façon constante durant l’incubation et le stade poussins par les corvidés, le Renard et des rapaces. Dans le cadre d’un programme validé par le CRBPO*, une quarantaine d’oiseaux ont été équipés d’une balise GPS. Il s’agit de comprendre l’influence de l’habitat, les transformations agricoles de la prairie vers la monoculture ayant vraisemblablement entraîné en partie le déplacement des populations du Grand Est vers le Val de Saône.

Quelles sont les solutions ?

Sur des zones Natura 2000*, des nids ont commencé à être protégés contre les prédateurs avec des clôtures électriques. Il faut encourager les fauches tardives auprès des agriculteurs volontaires, avec des MAEC*. Sur les territoires à Courlis, des mesures sont à mettre en œuvre pour gérer les activités impactantes, d’un point de vue pédagogique ou réglementaire. Actuellement, les acteurs de Bourgogne-Franche-Comté (LPO BFC, collectivités, Fédération des Chasseurs…) étudient l’efficacité des mesures de protection et la faisabilité d’autres mesures, aussi favorable aux autres espèces des prairies. Il s’agit avant tout d’améliorer le succès de la reproduction. Un Plan national de gestion pour les limicoles prairiaux fournira bientôt des pistes et soutiens complémentaires.

Portrait Emmanuel JOYEUX
Emmanuel JOYEUX, Chef de projets à l’OFB

Il est compliqué de hiérarchiser les multiples freins à la reproduction du Courlis cendré. Les jeunes doivent rapidement se débrouiller seuls, ce qui accentue leur vulnérabilité. D’une année sur l’autre, les individus reviennent faire leur nid à proximité du précédent, ce qui peut aboutir à des échecs récurrents en cas de difficultés liées à l’habitat. La nidification de l’espèce est comparable aux 12 travaux d’Hercule. Si les fauches précoces sont problématiques, bien des événements peuvent survenir avant, que ce soit des phénomènes météorologiques (gel, inondations printanières répétées), de prédation, de dérangement… La succession d’échecs de nidification peut entraîner un abandon : ainsi en 2024, un couple soumis à diverses pressions est reparti dès la mi-mai vers son quartier d’hivernage, sur la péninsule ibérique. Pour enrayer la diminution, c’est donc bien l’addition de mesures qui permettra la survie du Courlis cendré.